Accordez-moi, Seigneur, ce vin qui est aussi nécessaire que votre précieux sang. Ce vin, sans quoi, tout ici bas est laid et maussade, ce vin qui rend la vie acceptable, et tolérables les foutus contemporains que vous m'avez données.
Léon Bloy

Ce blog se base sur les travaux de Joseph Bollery et du cher Emile Van Balberghe (+2024). Ce dernier laissera un grand manque parmi les bloyens, lui qui travailla sur Bloy jusqu’à sa mort.

François Corelli ou le poète inconnu - Un faux envoi de Léon Bloy

Précision préliminaire : cet article ne se veut nullement une croisade contre telle ou telle personne, contre tel ou tel libraire. Le faussaire, très certainement décédé aujourd'hui, a abusé de nombreuses personnes. Aussi, nous ne citerons pas les librairies et les libraires concernés et n'avons aucun doute sur leur probité et leur honnêteté et nous ne citerons que le premier propriétaire, abusé par le faussaire.

Un exemplaire de Jeanne d'Arc et l'Allemagne, passé à plusieurs reprises sur le marché, portait un envoi à François Corelli (illustration ci-dessous). 
Concernant son origine, nous savons qu'il est sorti sur le marché en 1997 sur un catalogue de livres provenant du Docteur Lucien Graux (1878-1944), fameux bibliophile. Le livre était donc resté jusque là chez les héritiers. 


Quand nous avons découvert cet envoi, Emile Van Balberghe, auteur de l'inventaire des envois, et moi-même l'avons immédiatement trouvé douteux pour plusieurs raisons : 
  • L'écriture.
  • Le destinataire totalement inconnu.
De fait, nous devrions pouvoir trouver la trace de ce poète, mais rien n'existe. Et surtout : l'écriture. Les envois que nous connaissons sur ce titre de 1915 ont une écriture et une signature très différentes. Voici déjà quelques exemples de signatures.




On constate aisément que ces trois signatures sont très différentes de celle de l'envoi à Corelli.

L'ayant donc juste considéré comme douteux (il est toujours difficile d'être affirmatif), il a été mis dans la petite liste des envois douteux et faux que nous connaissons. Il y a quelques jours, un fameux envoi est apparu brièvement sur le marché, l'envoi de Bloy à François Coppée sur Le Révélateur du Globe, ouvrage de 1884. 


Cet envoi est typique des débuts de Bloy. Et on remarquera tout de suite que tout l'envoi à Corelli est entièrement contenu dans l'envoi à Coppée. Tous les mots y sont, sauf Corelli qui est fabriqué avec le C de Coppée et le orelli de Torelli (ou Co de Coppée et relli de Torelli, au choix!)... Voici donc l'origine de ce tendre poète Corelli !
En confrontant les deux envois, cela est évident.


Notons aussi la forme de l'envoi : un tendre poète de la main de Bloy en 1915 ne peut être qu'une formulation péjorative et on le voit mal faire un tel envoi à cette époque avec un qualificatif aussi peu bloyen.Sur son premier livre, c'est une forme de déférence et de respect du jeune écrivain (qui se fâchera ensuite avec Coppée, mais cela est une autre histoire que nous racontera probablement un lecteur du blog !).

Reste à savoir quand ce faux a été fait. Je le suppose fait en 1932 quand le libraire Pierre Berès a exposé l'exemplaire de Coppée, vraisemblablement acquis à l'époque par le grand-père de la personne qui l'a vendue récemment.

Cet envoi à Corelli, signalé dans La Dédicacite, sera prochainement signalé comme faux dans le second supplément.








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